1) Orga Info
Déroulement
Il y aura d’abord quelques points d’organisation importants pour l’événement d’aujourd’hui.
Ensuite, il y aura plusieurs interventions ; nous prendrons des notes de contenu et présenterons les discours avant les interventions. Puis nous commencerons la marche.
Consommation, fête
Ce n’est pas une fête. Ces dernières années, il n’a jamais été solidaire d’adopter une attitude du type “les choses importantes sont déjà acquises et ce qui manque encore, nous l’obtiendrons bientôt”, et ensuite de célébrer tranquillement, car ce n’était pas vrai, et si c’était le cas, ce n’était que pour certains groupes.
Mais cette année, alors que nous voyons toutes et tous à quel point le féminisme est vulnérable et menacé par les conservateurs, les autoritaires et les fascistes, cela est encore plus inapproprié. C’est pourquoi nous vous demandons, si cela vous est possible, de renoncer à la consommation de substances comme l’alcool, le cannabis… Nous voulons un espace pauvre en consommation, où l’on fait attention aux autres, car la consommation ouverte peut être très inconfortable pour d’autres personnes.
Ce n’est pas non plus un grand événement où l’on passe rapidement, socialise un peu et “consomme” du féminisme. Nous sommes ici parce que nous sommes en colère et parce qu’il est urgent de changer beaucoup de choses.
Appropriez-vous la rue ensemble ! Donnez-vous du pouvoir en étant bruyantes et bruyants si cela vous convient, participez de la manière qui vous semble juste et ressentez la force de notre lutte commune et le fait que nous sommes nombreuses et nombreux. Connectez-vous avec des personnes que vous n’avez pas vues depuis longtemps, échangez sur vos luttes, vos peurs, vos incertitudes, vos espoirs et vos idées pour renforcer le féminisme intersectionnel, sur la manière dont vous pouvez prendre des responsabilités et inciter d’autres à en prendre.
Le premier bloc est un bloc FLINTA*
Nous souhaitons rappeler que les personnes FLINTA ne sont pas seulement les femmes et les personnes perçues comme féminines. FLINTA signifie : Femmes, Lesbiennes, Intersexes, Non-binaires, Transgenres et Agenres. Vous ne pouvez pas deviner le genre d’une personne en la regardant. Nous voulons activement déconstruire le système binaire de genre, et cela passe par la reconnaissance de l’identité de genre des autres sans les assigner à une catégorie en fonction de leur apparence ou de leur voix.
Ainsi, chaque personne décide elle-même de sa place aujourd’hui, et personne ne devrait remettre cela en question.
Si vous percevez certains comportements comme inappropriés ou dominants, cela n’a pas forcément à voir avec le genre. Les personnes FLINTA peuvent aussi reproduire des comportements oppressifs. Bien sûr, vous pouvez toujours demander de l’aide à l’équipe d’awareness ou interpeller directement les personnes concernées.
Organisation et responsabilité collective
Cette année, nous sommes nettement moins nombreuses et nombreux dans l’organisation et les équipes de soutien qu’auparavant. Nous ne savons donc pas si toutes les structures fonctionneront aussi bien que les années précédentes. Nous avons peu de marges de manœuvre et de structures de secours.
Prenez donc ensemble vos responsabilités, soyez attentives et attentifs à votre environnement et aux personnes autour de vous. Restez calmes et vigilantes si une situation devient confuse, et communiquez avec celles et ceux qui vous entourent. Diffusez les informations.
En cas de répression policière inattendue, ne vous laissez pas isoler ! Quelques personnes sont directement visées, mais nous sommes toutes et tous concerné·es !
Awareness
Si vous subissez des violences, des violations de limites ou des discriminations, ou si votre système nerveux est en état de stress, adressez-vous à l’équipe d’awareness, identifiable grâce à leurs gilets violets. Elles et ils essaieront de vous soutenir, d’identifier vos besoins et de les rendre possibles.
Votre perception et votre ressenti sont centraux et ne seront pas remis en question.
Un espace de repli est également disponible, demandez à l’équipe d’awareness pour y accéder.
Protection
Il y a une protection discrète, qui ne se manifeste que si cela est nécessaire. Si vous en avez besoin ou si l’organisation doit être contactée, adressez-vous à une personne responsable de l’ordre ou à une personne portant un mégaphone.
Personnes responsables de l’ordre
Si vous avez des questions, adressez-vous à elles et eux ; elles et ils pourront peut-être y répondre. Si elles et ils transmettent des informations, veuillez les écouter attentivement.
Dons
Pour diverses raisons, nous n’avons pas de financement stable cette année. Il est possible que nous recevions des fonds, mais nous ne pouvons pas en être sûres et sûrs.
Nous collectons donc de l’argent jusqu’à atteindre la somme nécessaire, puis nous arrêterons.
Si nous recevons finalement les fonds demandés, nous reverserons l’argent collecté aujourd’hui à Rolling Safespace, un projet féministe au Rojava, ainsi qu’au Solitopf Freiburg.
Drapeaux
Pas de drapeaux nationaux. Seuls ceux des luttes anticoloniales sont acceptés.
Pas de drapeaux ou de bannières d’organisations diverses. Seules les luttes féministes doivent figurer sur les bannières et drapeaux.
Parcours
Nous passerons plus tard par la Place de l’Ancienne Synagogue, puis à droite dans la Bertholdstraße jusqu’à Bertholdsbrunnen, ensuite à gauche dans la Kaiser-Joseph-Straße jusqu’à Europa-Platz, puis sur le Friedrichsring jusqu’à la gare, puis sur la Bismarckallee, en passant sous le pont bleu, dans la Wilhelmstraße jusqu’à la salle de concert.
Notre slogan cette année :
Radicales, en colère, combatives !
Radicales : Nous comprenons notre féminisme comme radical, car nous voulons un féminisme honnête, qui exprime ce qui ne va pas, qui ne tait pas les sujets inconfortables et qui ne cherche pas simplement l’approbation. Nous voulons précisément cet échange et ce débat, nous voulons déranger, apprendre par la confrontation, comprendre et évoluer.
En colère : Nous sommes en colère car il y a tant de choses qui ne vont pas, car partout dans le monde, nos sœurs et nos frères sont attaqué·es, discriminé·es, tué·es, et que l’on tente de nous affaiblir dans nos luttes et nos résistances.
Combatives : Nous sommes combatives car nous en avons assez de cette oppression, car nous nous tenons debout ensemble et nous nous battons ensemble !
2) BIPoC
Cher·e·s ami·e·s, cher·e·s camarades de lutte,
Aujourd’hui, 8 mars, nous nous rassemblons non seulement pour célébrer, mais surtout pour lutter. La Journée internationale de lutte pour les droits des femmes n’est pas une journée de fleurs et de remerciements vides – c’est une journée de résistance. Nous nous souvenons des victoires des mouvements féministes, mais aussi des combats qui restent à mener.
Je parle aujourd’hui en tant que membre de la communauté BIPoC – un terme qui désigne les personnes noires, autochtones et racisées. Ce terme nous unit en tant que personnes qui font l’expérience du racisme, tout en mettant en évidence la diversité de nos luttes et de nos histoires. Nos perspectives sont essentielles, car la domination blanche décide de qui est écouté·e – et qui ne l’est pas.
Trop longtemps, le féminisme a été pensé d’un point de vue blanc et privilégié, où nous étions souvent relégué·e·s à la marge. Or, le féminisme doit être antiraciste. Il ne suffit pas de parler d’égalité sans se demander : égalité pour qui ?
Historiquement, le féminisme blanc a souvent exclu les femmes noires, autochtones et migrantes – que ce soit pour le droit de vote ou les droits reproductifs (pensons aux suffragettes et à la deuxième vague du féminisme).
Le concept d’intersectionnalité, développé par Kimberlé Crenshaw, est une approche indispensable en théorie et en pratique féministes. L’intersectionnalité reconnaît que différentes formes d’oppression – racisme, sexisme, classisme, validisme, antisémitisme, racisme anti-asiatique, racisme contre les Sintizze et Romnja, ainsi que la transphobie et la queerphobie – s’entrelacent et s’intensifient mutuellement.
Une femme migrante et mère célibataire subit l’oppression d’une manière différente d’une femme blanche, universitaire et aisée. Une femme noire trans n’a pas les mêmes combats qu’une femme cis blanche. Un féminisme qui refuse d’intégrer ces réalités complexes ne fait que perpétuer des exclusions.
Nos luttes ont permis de nombreuses avancées : le droit de vote des femmes, l’accès à l’éducation, la dépénalisation de l’avortement dans plusieurs pays. Mais à qui profitent ces avancées si les femmes noires continuent d’être discriminées en milieu hospitalier ?
Si les femmes trans, intersexes, non-binaires, transmasculines et agenres continuent de subir des violences malgré une reconnaissance juridique ?
Si les travailleuses migrantes et racisées sont surexploitées dans des emplois précaires ?
Si les femmes asiatiques restent victimes de violences racistes et de fétichisation, comme lors des meurtres d’Atlanta ?
Il ne suffit pas d’avoir des femmes en position de pouvoir si ces femmes maintiennent un système capitaliste, raciste et patriarcal. Un féminisme qui ne libère qu’une élite n’est pas un féminisme, mais un projet de classe privilégiée.
Comment pouvons-nous soutenir les luttes féministes à travers le monde sans adopter une posture paternaliste ? Trop souvent, le féminisme blanc s’est comporté en “sauveur”, au lieu de reconnaître les résistances déjà menées par les femmes BIPoC. Ces luttes existent pourtant depuis longtemps : au Soudan, en Palestine, en Iran, en Amérique latine, pour ne citer que quelques exemples.
Ces combats ne sont pas des événements isolés – ils s’inscrivent dans une résistance mondiale contre les structures coloniales, qui persistent malgré une décolonisation formelle. Les États occidentaux continuent de tirer profit des matières premières, de la main-d’œuvre bon marché et de la dépendance politique, tout en se posant en donneurs de leçons morales.
L’intersectionnalité ne concerne pas seulement le Sud global – elle nous concerne ici aussi.
Le racisme antimusulman touche les femmes de plein fouet – par la discrimination à l’embauche ou les agressions contre les femmes voilées. Les femmes réfugiées subissent des violences dans les centres d’hébergement. Le travail du care repose sur des personnes migrantes qui travaillent dans des conditions précaires.
Un autre problème majeur : la théorie et la pratique féministes sont souvent déconnectées.
Dans les milieux académiques, on élabore des concepts importants, mais ces espaces restent largement dominés par des personnes blanches et inaccessibles à beaucoup. Pendant ce temps, ce sont souvent les personnes les plus marginalisées qui mènent des combats quotidiens sans obtenir la reconnaissance qu’elles méritent.
Le féminisme doit sortir des livres pour descendre dans la rue, dans les communautés, dans des structures solidaires.
Notre responsabilité est d’écouter, de partager des ressources et d’apprendre des luttes féministes du Sud global. Cela signifie aussi interroger nos propres privilèges et nous demander : comment soutenir ces mouvements sans imposer notre vision comme seule vérité ?
Souvenons-nous : le féminisme ne consiste pas à se contenter de ses privilèges, mais à les mettre au service du démantèlement des injustices structurelles.
Être solidaire, c’est écouter, apprendre et faire de la place.
C’est refuser un féminisme qui ne fonctionne que pour les femmes blanches, cis et hétéros – et se battre pour un féminisme pour tou·te·s.
Faisons entendre nos voix. Luttons ensemble.
Le féminisme sera intersectionnel – ou il ne sera pas !
There is no feminism without intersectionality!
En solidarité et dans la lutte !
3) Nuda Kurdes
Le 8 mars est une journée de résistance et de solidarité.
Depuis des décennies, les femmes du monde entier luttent pour leurs droits : le droit de vote, des conditions de travail équitables, le droit à l’avortement, ainsi que pour l’égalité et la reconnaissance. Leur combat s’étend à tous les domaines de la vie : dans le monde du travail, dans l’éducation des enfants, dans le travail du care et dans la société en général.
Beaucoup de femmes ont risqué leur vie pour ces droits. Leur héritage est notre mission : la lutte pour l’autodétermination, la liberté et un avenir juste.
Nos droits sont menacés
Aujourd’hui, nous voyons comment des forces politiques et des gouvernements remettent en question ou démantèlent des acquis durement obtenus.
Le capitalisme repousse les femmes vers des rôles traditionnels, tandis que, dans de nombreuses régions du monde – d’Afghanistan à la Turquie, en passant par les zones sous domination de l’État islamique – les droits des femmes sont systématiquement réprimés.
L’Occident garde souvent le silence lorsqu’il y a des intérêts économiques ou stratégiques en jeu.
Les féminicides font des milliers de victimes chaque année, mais les structures patriarcales restent intactes.
Les violences faites aux femmes continuent d’être considérées comme des problèmes privés ou secondaires, au lieu d’être combattues avec détermination.
Il y a de la résistance !
Mais les femmes luttent partout dans le monde !
Les femmes du Rojava ont prouvé que la résistance contre l’oppression est aussi un combat pour l’égalité et la démocratie.
Après l’assassinat de Jina Amini, les femmes du Rojhilat (Kurdistan de l’Est, en Iran) ont lancé au monde entier un message universel de résistance avec le slogan “Jin, Jiyan, Azadî” – “Femme, Vie, Liberté”.
Nous vivons une époque de bouleversements. Les États et les systèmes sont en crise – ils n’offrent ni perspectives aux femmes, ni avenir à la société.
Le mouvement des femmes kurdes propose une alternative avec sa philosophie “Jin, Jiyan, Azadî” : une société égalitaire, démocratique et écologique.
Inspiré·e·s par les idées d’Abdullah Öcalan, les femmes et les peuples opprimés luttent pour un avenir fondé sur l’acceptation, la tolérance et l’auto-organisation.
Notre revendication : un monde nouveau !
Nous exigeons un monde démocratique, écologique et libéré du patriarcat !
Vos guerres coûtent nos vies.
Nous voulons vivre dans la paix, l’égalité et la solidarité – avec toutes nos cultures et toutes nos croyances, dans l’acceptation et la tolérance.
Nous luttons pour notre droit à une vie libre, pour l’autodétermination et pour un avenir sans oppression !
4) Union des femmes alévies démocratiques*
Nous, femmes* alévies démocratiques, exigeons l’arrêt de ces injustices mondiales contre les femmes.
Nous élevons nos voix contre l’inégalité, la violence et les mauvais traitements ! Nous mènerons nous-mêmes ce combat.
Dans l’alévisme, les femmes ne sont pas seulement des individus : elles transforment les sociétés et mènent à la vérité.
Le travail, l’amour et la lutte des femmes sont sacrés.*
La Journée des femmes* n’est pas seulement une journée de célébration, mais un jour pour élargir nos perspectives, renforcer notre organisation et intensifier notre résistance.
Les injustices infligées aux femmes tout au long de l’histoire persistent encore aujourd’hui.
Les violences contre les femmes* et les abus sur les enfants restent impunis. Aucune mesure suffisante n’est prise pour y mettre fin.
Dans des pays comme la Turquie, les femmes et les enfants ne sont pas protégés des injustices.
Elles ne bénéficient d’aucune protection étatique et subissent même des violences et des négligences de la part des institutions officielles.
Pensons à Leyla Aydem, Narin Güran, Müslime Yagel et Îpek Er.
Les femmes* et les enfants les plus vulnérables sont celles et ceux qui fuient la guerre et l’exil.
Le meurtre de Jîna Amînî a fait du slogan “Jin, Jîyan, Azadî” (Femme, Vie, Liberté) un symbole de la liberté des femmes dans de nombreux pays.
Pendant ce temps, en Iran, Peşxan Atom a été condamnée à mort en raison de son identité et de son genre.
Le mariage forcé des filles encore très jeunes, les violences infligées aux femmes alévies en Syrie, l’esclavage des femmes yézidies kurdes par Daesh, tout cela montre que les femmes sont les cibles d’une oppression systématique.
La défense des droits des femmes ne doit pas reposer uniquement sur les femmes.*
Toute la dynamique sociale doit s’emparer de cette lutte.
Nous le disons encore une fois : assez, c’est assez !
Nous refusons ces injustices infligées aux femmes à l’échelle mondiale.*
Que l’enseignement de la foi alévie – fondé sur l’amour, la paix et l’égalité – éclaire notre chemin !
Vive la lutte légitime des femmes !*
5) Person sur le travail sexuel
Content Note : Le discours mentionne la persécution nazie, il est également question de discrimination.
Hello,
Je vous présente aujourd’hui un message pour donner de la visibilité à un sujet qui m’est cher: mon travail.
Mon travail n’est pas comme les autres. S’il l’était, je pourrais probablement moi-même prononcer ce discours, ce que j’aimerais vraiment faire. J’aimerais pouvoir être ici et dire : « Je travaille dans le sexe. Voilà mon visage. » Mais au lieu de prendre la parole devant vous, je reste parmi vous, peut-être juste à côté de toi, les doigts nerveusement entrelacés. Pourtant, je n’ai aucun problème à parler de mon travail dans le sexe. J’aime raconter de bonnes rencontres, vomir après des journées difficiles et rire de mes échecs.
Cependant, mon travail n’est pas comme les autres, car lors d’un coming-out, je fais face au jugement. Je risque ma sécurité, ma vie privée et mes relations. Je ne peux pas compter sur le fait que vous soyez solidaires de moi, ni sur le fait que, après un coming-out, vous me verrez dans toute ma complexité. Je ne veux pas du stigmate que la société et la scène féministe m’imposent. Je ne veux pas mener ces combats, car en tant que personne neurodivergente et trans*, je me bats déjà assez au quotidien.
J’espère qu’en prenant la parole, je pourrai donner plus de visibilité à moi et à mes·ses collègues à Freiburg. Pour nous, travailleuses et travailleurs du sexe – prostituées, escorts, call boys, masseur·ses, dominatrices et tou·te·s les autres – pour tou·te·s celles et ceux qui travaillent dans les parcs, sur les parkings, dans les maisons closes, dans les hôtels et en ligne. Nous travaillons dans le plus ancien secteur professionnel du monde, et nous continuons à nous battre.
Nous nous battons contre les municipalités qui veulent nous dire où et comment nous devons travailler, contre les services de santé qui nous pathologisent, contre la police et l’État qui veulent contrôler nos corps, contre une gauche qui veut nous dicter quelles stratégies de survie dans une société capitaliste sont acceptables et lesquelles ne le sont pas, contre des·es féministes autoproclamé·es qui revendiquent le « Mon corps, mon choix » uniquement pour un groupe : des femmes blanches, chrétiennes, bourgeoises, cis et endo. Petite parenthèse : quel exercice mental faut-il accomplir pour, d’une part, se battre pour l’autodétermination corporelle et, d’autre part, attiser la haine contre les personnes trans*, le travail du sexe ou le port du foulard et de la burqa ? Contre celles et ceux qui veulent nous refuser le droit de prendre nos propres décisions et qui pensent pouvoir nous diviser en « bonnes » et « mauvaises » prostituées. Je pourrais vous expliquer à quel point la législation actuelle pour nous dans le travail du sexe est déplorable et pourquoi il est pour certaines d’entre nous bien plus sûr de travailler dans l’illégalité que de se faire enregistrer officiellement avec une « carte de prostituée ». Petite anecdote : saviez-vous que la police peut à tout moment pénétrer dans le domicile d’une personne prostituée et le fouiller si ce lieu est utilisé comme lieu de travail ?
Je pourrais aussi vous raconter combien la situation deviendra difficile avec le « modèle nordique », c’est-à-dire l’interdiction de l’achat de services sexuels, et qu’en des pays comme la Suède, où ce modèle est déjà en place, les partenaires ou les enfants adultes des personnes travaillant dans le sexe peuvent être poursuivi·e·s pénalement s’ils vivent des revenus issus de ce travail.
Mais honnêtement, je n’ai pas envie de m’étendre sur ces détails. Vous pouvez vous renseigner par vous-mêmes sur Internet. Je ne peux même pas me tenir ici avec mon propre visage et ma propre voix – je ne peux donner de la visibilité à ce sujet qu’en me rendant invisible… aussi par peur de ce que nous réserve la politique.
En 1938, lors de vastes descentes de police, y compris dans les bordels, plus de 20 000 personnes furent arrêtées par la police nazie, dont des travailleuses et travailleurs du sexe, des consommateurs·trices de drogues, des personnes sans domicile, ainsi que des Roms*, des Sinti* et des Romnja, tous étiqueté·e·s comme « asocial·e·s ». Beaucoup d’entre eux furent marqué·e·s d’un triangle noir et envoyé·e·s dans des camps de concentration et de travail. Les survivant·e·s qualifié·e·s d’« asocial·e·s » n’ont reçu aucune compensation ni aucun soutien après la libération. Ce n’est que récemment que le Bundestag allemand a reconnu la persécution nazie des personnes « asocial·e·s ».
Comment cela se fait-il ? Nous travaillons dans un cadre criminalisé. Il existe des villes qui interdisent complètement la prostitution. Il y a des lois qui s’adressent exclusivement aux personnes prostituées. Au bout du compte, la prostitution est quelque chose d’interdit, et n’est légalisée que de manière très restreinte, pour des personnes très précisément définies et dans des lieux limités.
Et pourtant, nous sommes essentielles. Une grande partie de notre travail est un travail émotionnel invisible que nous accomplissons pour nos·ses client·e·s. Si ce travail émotionnel n’est pas à la hauteur, je peux très bien abandonner mon offre en tant que travailleuse du sexe.
Ce dont je n’ai plus envie, c’est de défendre mes·ses client·e·s. L’autodétermination sexuelle inclut également la possibilité de recourir aux services d’une personne travaillant dans le sexe. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles on fait appel à des services sexuels, et des personnes issues de divers horizons se tournent vers les travailleuses et travailleurs du sexe. Au final, grâce à mon travail, j’ai pu obtenir un accès bienveillant à des hommes endo cis.
J’ai aussi plus peur de la police que de mes·ses client·e·s. Et il y a de bonnes raisons à cela, comme le confirment de nombreuses études : il a été démontré que les personnes prostituées subissent davantage de violences de la part de la police que de leurs·ses client·e·s. C’est un privilège immense de pouvoir demander de l’aide et du soutien à la police. Pour beaucoup d’entre nous, surtout si nous ne travaillons pas de manière enregistrée, si nous n’avons pas un statut de séjour sécurisé ou si nous sommes trans, cela reste pratiquement inaccessible.
Pourquoi je ne parle pas aujourd’hui de la traite des êtres humains ? Parce que je n’ai pas envie de tomber dans le piège du « whataboutism ». La traite à des fins d’exploitation sexuelle n’est pas du travail du sexe. Combattre la traite en solidarité tout en soutenant le travail du sexe n’est pas contradictoire. Ce « whataboutism » est le premier argument qui vient aux esprits des personnes privilégiées lorsqu’il s’agit de ne pas s’intéresser elles-mêmes à la discrimination.
Mais les forces opposées au travail du sexe ne veulent rien entendre à ce sujet.
Selon un modèle chrétien, toutes les personnes affectées par le patriarcat sont mises en opposition, et on nous divise, nous travailleuses et travailleurs du sexe, en « bonnes » et « mauvaises » prostituées. Ces « bonnes prostituées » doivent être sauvées de la prostitution forcée – bonjour le complexe du sauveur – et les « mauvaises prostituées » seraient ces mystérieuses escortes privilégiées.
Où est-ce que je me situe dans tout cela ? Quels services est-ce que je propose ? Pour quelles raisons fais-je cela ? Est-ce que cela me plaît vraiment ? Ai-je seulement besoin d’argent ? Suis-je traumatisé·e ? Dois-je être sauvé·e ? Autant de questions auxquelles je suis sans cesse confronté·e pour vérifier si je fais partie des « bonnes » ou des « mauvaises » prostituées – pour savoir si des personnes peuvent être solidaires avec moi ou si je fais partie d’une supposée équipe de proxénétisme. Petite précision : si tu me poses des questions que tu ne poses pas à d’autres personnes dans des métiers de service comme la restauration, le commerce ou les soins, ce n’est pas une question de mes droits ou de ma sécurité, mais plutôt un sujet lié à la sexualité. Je n’ai pas besoin d’avoir plus ou moins d’enthousiasme pour mon travail que d’autres. J’ai le droit d’aimer faire du travail du sexe, tout en pouvant le prendre comme un boulot de survie ou une stratégie de subsistance.
Mon corps n’est pas achetable. Mon consentement n’est pas achetable. Mais mon temps, ma prestation et ma force de travail le sont. Et si tu n’arrives pas à te représenter mon travail, c’est très bien. Peut-être que je ne peux pas non plus imaginer ton travail.
Les réalités vécues dans le travail du sexe varient. Les privilèges et les accès des travailleuses et travailleurs du sexe ne sont pas les mêmes. Plus un service implique une proximité corporelle, plus nous subissons le poids du stigmate social associé à la prostitution. Les personnes qui travaillent seules en extérieur sont moins en sécurité que celles qui travaillent collectivement dans des maisons ou des appartements. Mais aucun travail du sexe n’est intrinsèquement plus moral ou moins moral qu’un autre, et c’est le devoir des allié·e·s et des ami·e·s d’écouter les travailleuses et travailleurs du sexe de divers horizons et de renforcer nos revendications. Tu le fais en partageant nos messages, en en parlant, en nous rémunérant pour notre travail et en nous parlant – et non en parlant de nous.
Si vous voulez en apprendre davantage sur le travail du sexe, suivez par exemple les comptes Instagram 6arbeiterin_ et besd.ev, l’association professionnelle pour les services érotiques et sexuels.
Au final, je n’ai plus qu’une chose à dire : le travail du sexe n’est pas le problème. Ce que nous faisons de notre force de travail et de nos corps n’est pas le problème. Pour lutter pour une vie meilleure pour tou·te·s, pour l’autodétermination corporelle et tout le reste, nous devons nous attaquer aux racines : le problème, c’est la répartition inégale des biens, des ressources et des opportunités. Le problème, c’est le colonialisme et le capitalisme qui mènent à l’exploitation de régions entières du globe et forcent les gens à améliorer leurs conditions de vie. Le problème, ce sont les conditions racistes qui empêchent les personnes de se déplacer librement dans le monde et les enferment dans des rapports de dépendance. Le problème, c’est le racisme, le classisme, le validisme et la transphobie, ainsi que le manque d’accès aux services sociaux et de santé. Le problème, ce sont les politiques migratoires racistes, les États-nations et les frontières.
Mon travail n’est peut-être pas comme les autres – mais il mérite le respect et votre solidarité.
Merci.
5) ROSA
Bonjour, nous sommes Poli et Rudy de ROSA, et avec ce discours nous souhaitons rappeler que de nombreuses femmes et personnes queers se trouvent actuellement en exil, et que la mise en pratique du féminisme aux frontières extérieures de l’UE – et au-delà – est plus que nécessaire.
La jeune Mercy, 25 ans, de la République démocratique du Congo, témoignait dans un rapport sur la situation dans le camp de Moria sur l’île de Lesbos : “J’ai fui parce que j’ai été violée, et les combats ne s’arrêtent jamais. J’ai voyagé seule, ce qui était aussi dangereux. C’était ma deuxième tentative pour atteindre l’Europe. J’étais à court d’argent, alors j’ai dû faire tout ce que le passeur exigeait. Grâce à Dieu, j’y suis arrivée, mais la situation ici en Grèce est bien pire que tout ce que j’avais pu imaginer, et le harcèlement est insupportable.” Mercy explique que la raison de son exil était la violence sexuelle. Ce motif de fuite ne conduit toujours pas de manière cohérente à la reconnaissance du statut de réfugié·e dans de nombreux pays de l’UE, y compris en Allemagne.
Elle raconte aussi la dangerosité de la route migratoire. Elle décrit les camps en Grèce où des personnes sont retenues pendant des années dans des conditions inhumaines, et explique que, pour éviter d’être obligée d’utiliser des installations dépourvues d’intimité, les femmes boivent le moins possible, ce qui ouvre la porte aux agressions sexuelles et aux abus.
La République démocratique du Congo traverse une crise humanitaire extrêmement grave. Les conflits armés, notamment dans l’est du pays, entraînent des déplacements massifs et une violence sexuelle généralisée contre les femmes et les personnes queers. Tant des groupes rebelles que des acteurs étatiques commettent des crimes contre la population civile, tandis que l’instabilité économique et l’exploitation illégale des ressources aggravent encore la situation. Face à ces circonstances et à la diminution de l’attention internationale, beaucoup n’ont d’autre choix que de fuir leur pays.
L’histoire de Mercy n’est pas une exception. Elle est le résultat d’un régime frontalier européen inhumain qui institutionnalise la violence aux frontières de l’UE. La politique migratoire européenne repose de plus en plus sur la fermeture des frontières, la militarisation et l’externalisation du contrôle migratoire. Avec l’expansion de Frontex, la mise en place de gardes-côtes et d’appareils policiers, la délégation du contrôle des frontières à des pays tiers comme la Libye et la classification de certains pays comme “sûrs”, l’Europe accepte sciemment que des personnes en exil soient maltraitées, réduites en esclavage ou refoulées vers des pays où elles risquent la persécution et la mort.
Le système d’asile européen, qui était censé offrir une protection, est démantelé progressivement : procédures accélérées aux frontières, camps de détention et catégorisations des personnes exilées en “bons” et “mauvais” réfugié·e·s. Les femmes et les personnes queers sont particulièrement en danger dans ces dispositifs. Elles subissent violences, exploitation et traite des personnes, et pourtant leurs besoins spécifiques de protection restent largement ignorés par les systèmes d’asile européens.
Le fait que les femmes et les personnes queers soient particulièrement exposées à ces violences n’est pas une fatalité naturelle liée à leur genre. Et maintenant, avec le plan en cinq points de Merz, si une personne en exil se voit confisquer ses papiers dans la rue, elle devrait encore subir une rétention jusqu’à l’obtention de son billet d’expulsion ? Nous disons non.
La solidarité multiple est possible, c’est soutenir dans notre quotidien toutes les femmes et toutes les personnes queers impliquées dans des luttes de libération – en particulier celles et ceux dont les combats sont de moins en moins médiatisés. Solidarité avec les femmes et les personnes queers en lutte au Congo, au Kurdistan, en Palestine, en Iran et en Afghanistan.
Le 8 mars 2025 doit aussi être l’occasion de nommer et de célébrer les luttes intersectionnelles. Nous voulons rendre visible la force de Mercy, qui a entrepris seule ce chemin vers un avenir meilleur, un avenir où nous saurons reconnaître la puissance de l’action et trouver notre émancipation dans la solidarité.
Pour cela, nous devons ensemble nommer et combattre le sexisme, le racisme, la queerphobie, le classisme, le capitalisme et le validisme. Le féminisme intersectionnel ne peut fonctionner avec des régimes frontaliers et des politiques de fermeture. Les seules frontières qui comptent – et qu’il convient de respecter – sont celles que nous établissons individuellement dans nos relations humaines. Nous exigeons un féminisme sans frontières. Barbelés en ferraille, frontières ouvertes partout.
7) Sur la Palestine
Aujourd’hui, nous poursuivons le combat de celles et ceux qui nous ont précédé·es, le combat contre le patriarcat et pour la libération. Nous honorons la mémoire de celles et ceux qui sont tombé·es dans cette lutte et nous puisons notre inspiration dans leurs actions.
Le 8 mars est une journée qui a été blanchie par les intérêts occidentaux, coloniaux et capitalistes. Il a été vidé de sa radicalité en mettant uniquement en avant les récits jugés acceptables par certaines parties. La résistance n’a pas de formule universelle ; elle est définie par les actes de celles et ceux qui s’engagent dans la lutte.
Les femmes en Palestine n’ont jamais été et ne sont pas des spectatrices passives du nettoyage ethnique de leur communauté. Des femmes comme Leila Khaled ont fait et font encore partie du combat pour la libération de leur patrie, la Palestine. Nous voyons tous et toutes les efforts des femmes et des personnes ne correspondant pas aux rôles de genre traditionnels pour documenter le génocide en cours en Palestine. Nous considérons comme un privilège de connaître leurs noms et leurs visages, contrairement aux nombreuses personnes restées sans nom et sans visage, assassinées avant elles par l’épée de l’impérialisme et du colonialisme.
Nous devons parler de cette épée, de cette violence qui n’est pas seulement le fait de la main qui la manie, mais aussi de celles et ceux qui l’arment et la rendent possible. Depuis des décennies, l’Allemagne tente de blanchir à la fois son passé raciste et ses actions présentes sous des couleurs blanches, roses et arc-en-ciel. Le militarisme allemand investit toujours plus d’argent dans l’armement d’armées étrangères, en sachant que des munitions allemandes seront utilisées contre des populations civiles à travers le monde. Que des bombes allemandes détruiront des hôpitaux et des générateurs d’électricité qui chauffent les maisons des civils. Par ces hôpitaux détruits, des grossesses et des accouchements, qui devraient être des moments précieux pour les familles, deviennent des périodes de peur et d’horreur. À une époque où les femmes palestiniennes doivent affronter des fausses couches sans accès aux soins prénataux, sous des drones qui larguent des bombes au-dessus de leurs têtes. Des biens qui nous paraissent évidents, comme les tampons, sont devenus des produits de luxe à Gaza, car Israël restreint sévèrement l’acheminement de l’aide humanitaire. Pour ces raisons, et pour bien d’autres encore, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et les filles, Reem Alsalem, a qualifié les actes d’Israël non seulement de génocide, mais plus précisément de fémigénocide.
Pendant que les femmes et les enfants souffrent et meurent de faim, l’armée israélienne brise la trêve, tandis que les médias allemands observent en silence. L’Allemagne revendique une politique fondée sur le féminisme, tout en prétendant « sauver » les femmes arabes prétendument « opprimées » par l’islam. Au lieu de contribuer réellement à leur libération, elle soutient la destruction des femmes et des enfants palestiniens par la fourniture d’armes. Le sort des femmes arabes semble insignifiant face aux promesses d’accords commerciaux et de soutien électoral.
Le 8 mars n’est pas une journée pour offrir des fleurs et des cartes, mais une journée pour agir, pour se solidariser nationalement et mondialement, pour soutenir les femmes et les personnes ne correspondant pas aux normes de genre traditionnelles dans leur combat pour la libération. Nous ne pouvons pas prétendre lutter pour cette libération tout en ignorant l’implication de nos gouvernements dans l’oppression de la Palestine. Alors aujourd’hui, souvenons-nous non seulement de celles et ceux qui ont perdu la vie, mais aussi des personnes courageuses qui résistent chaque jour à l’oppression, et suivons-les sur ce chemin.
8) Person sur la violence sexuelle
Bonjour à toutes et à tous ! Je m’appelle Luzy. Je suis blanc·he, genderqueer et je ne suis pas en situation de handicap. Aujourd’hui, je suis ici pour parler d’un sujet qui nous concerne toutes et tous : les violences sexuelles. Je suis conscient·e que je parle d’une perspective privilégiée. Les personnes qui, en plus du sexisme, subissent d’autres formes de marginalisation vivent peut-être cette réalité de manière encore plus intense et ont d’autres besoins. Les personnes trans, racisées, en situation de handicap ou touchées par le classisme sont souvent invisibilisées dans le débat public. Je reconnais que ma perspective est limitée.
Les violences sexuelles sont une problématique complexe et la terminologie qui l’entoure est souvent floue. Il existe une multitude de formes par lesquelles ces violences sont exercées et subies. Aujourd’hui, je veux particulièrement parler de la survie face aux agressions sexuelles physiques.
Il est bouleversant de constater combien de personnes sont victimes d’agressions sexuelles. Pire encore est la solitude qu’elles ressentent après ces expériences. Elles luttent non seulement contre la culpabilité et la honte, mais aussi contre le doute permanent de savoir si elles ont vraiment vécu ce qu’elles ont vécu.
Savez-vous que notre système nerveux peut effacer les traumatismes de la mémoire quotidienne ? Cela signifie que les personnes concernées ont souvent des souvenirs flous et des émotions, mais pas toujours d’images précises de ce qu’elles ont subi. Reconnaître sa propre réalité est déjà un immense défi.
Et lorsque j’en viens enfin à accepter mon vécu, je dois souvent m’attendre à ce que mon expérience soit remise en question ou que l’on me tienne, en partie ou en totalité, responsable de ce qui m’est arrivé. Dans une société qui protège les agresseurs au lieu de croire les victimes, c’est une réalité douloureuse.
Quand je brise ce tabou et que je parle de mon expérience, je suis souvent confronté·e à la gêne, à la pitié et à l’inconfort des autres. Nous vivons dans une société qui peine à reconnaître la réalité des violences sexuelles et à rester en lien avec les personnes concernées.
Maintenant, je veux m’adresser directement aux hommes cis-hétéro présents ici : j’en ai ras-le-bol de porter seule ce poids ! Et je ne parle pas seulement de ma douleur personnelle, mais aussi de la douleur collective. J’en ai assez que les personnes concernées, en plus d’avoir à surmonter leur traumatisme, doivent également porter seules la charge du changement. Ce que je vous demande, ce n’est pas votre solidarité. Ce que je vous demande, c’est de prendre vos responsabilités.
Peut-être que vous pensez n’avoir jamais eu de comportement problématique. Peut-être que personne ne vous a jamais fait remarquer un comportement déplacé. Peut-être même que vous avez réellement toujours respecté les limites des autres. Peu importe. Nous vivons dans une société patriarcale qui vous affecte moins que les personnes qui ne sont pas des hommes cisgenres. Et je ne dis pas cela pour vous accuser ou pour vous opposer aux autres. Je dis cela parce que je veux que vous soyez de notre côté. Parce que je veux que vous reconnaissiez enfin que les violences que subissent tant de personnes nous concernent toutes et tous. Y compris, et surtout, si vous n’êtes pas directement concerné·es ! J’en ai assez de voir des gens s’appuyer sur leurs privilèges pour ignorer et détourner le regard pendant que d’autres souffrent. Et cela ne concerne pas seulement les violences sexuelles, mais toutes les formes de violences structurelles. Le féminisme n’est pas réservé aux personnes queer ou aux femmes. Il nous concerne toutes et tous !
Voici quelques actions concrètes que vous pouvez entreprendre pour lutter contre les violences sexuelles :
- Si une personne vous confie qu’elle a été victime de violences sexuelles, validez son expérience ! Elle a déjà assez douté d’elle-même. Ne la réduisez pas à un statut de victime, mais laissez-lui sa dignité et traitez-la avec respect et reconnaissance.
- Si quelqu’un vous signale un comportement déplacé de votre part, écoutez ! Prenez au sérieux ce qui vous est dit, ne remettez rien en question et demandez à la personne de quoi elle a besoin. Ne la chargez pas de vos émotions, trouvez d’autres soutiens pour en parler. Soyez reconnaissant·e pour ce retour, apprenez-en et modifiez votre comportement.
- Si vous êtes témoin d’un comportement abusif, soutenez la personne concernée si elle le souhaite. Même si l’agresseur est votre ami.
- Apprenez et pratiquez le consentement !
Maintenant, un petit détour par la sexualité vécue : la sexualité dite “normale” dans notre société est souvent centrée sur la satisfaction des hommes cis-hétérosexuels. Beaucoup de personnes ayant une vulve ou des organes génitaux similaires ne s’y retrouvent pas forcément, mais ne vous le diront peut-être jamais. Si vous souhaitez vivre une relation sexuelle avec une telle personne, sachez qu’il est très probable qu’elle ait déjà vécu une forme de violence sexuelle. Demandez-lui ce dont elle a besoin pour se sentir en sécurité avec vous. Débarrassez-vous de l’idée qu’elle doit vous aider à atteindre l’orgasme d’une quelconque manière. Soyez ouvert·e à d’autres formes de sexualité, même si elles vous paraissent inhabituelles au début.
Ces actions, à elles seules, ne feront pas disparaître les violences sexuelles de notre société. Pour cela, il faut des changements structurels massifs. Mais en attendant, nous avons besoin de chaque personne. C’est pourquoi je le répète : le féminisme nous concerne toutes et tous !
Mauvais temps, temps difficiles – mais pour le féminisme, on se bat !
9) Accompagnement et naissence
La violence dans l’accompagnement à la naissance est une réalité qui ne peut plus être ignorée. Elle se manifeste par des interventions médicales effectuées sans consentement, des commentaires dégradants et le mépris de la douleur et de la peur. Ces pratiques ne sont pas seulement cruelles, elles constituent une attaque contre la dignité des personnes en travail et résultent de structures patriarcales qui dépossèdent systématiquement les FLINTA* et sapent leur autodétermination. Les personnes particulièrement marginalisées sont d’autant plus en danger dans les conditions actuelles. Pourtant, il y a de l’espoir. De nombreuses sages-femmes, médecins·es et personnes concernées œuvrent pour un accompagnement respectueux à la naissance. Ils·elles savent qu’un accouchement peut être une expérience valorisante et puissante qui renforce les personnes en travail plutôt que de les affaiblir. Pour cela, il faut:
- un suivi individuel par une sage-femme,
- des recherches en accompagnement à la naissance,
- l’implication des personnes concernées à la fois pendant l’accouchement et dans l’élaboration des directives et standards,
- ainsi qu’une meilleure éducation dans les écoles et établissements de formation afin que la naissance et la santé des FLINTA* ne soient plus des sujets tabous. La naissance doit devenir ce qu’elle peut être : une expérience de sa propre force, de confiance et d’autodétermination.
10) Person sur anti-Deutsch
Nous voulons dire quelques mots pour commencer, car nous sommes un peu désemparé·e·s.
Nous ne pouvons pas comprendre, et cela nous met dans une rage immense !
Nous subissons tou·te·s la violence oppressive de ce système.
Mais notre déception et notre colère ne s’adressent pas uniquement à celles et ceux qui perpétuent cette merde et la font avancer : aux gouvernements de droite, aux partis conservateurs, aux fascistes, à celles et ceux qui se disent du “centre” et crient “dehors les étranger·e·s”.
Non, nous sommes tout aussi en colère contre les personnes qui prétendent faire partie du même mouvement que nous, mais qui nous attaquent dans nos luttes et sabotent nos combats.
Au lieu de solidarité et de soutien, nous rencontrons encore plus de violence dans notre lutte contre la violence patriarcale, venant d’un soi-disant mouvement de gauche qui se bat contre nous et cherche à nous maintenir à terre.
Mais notre existence, notre combat, ne reposent pas sur le fait d’être contre quelque chose. Non, nous nous battons pour la vie et pour la liberté de tou·te·s nos adelphes !
Nous nous retrouvons dans la colère qui nous traverse. Oui, nous sommes en rage, et oui, cela nous dégoûte profondément !
Mais notre colère, notre rage ne sont pas solitaires. Nous sommes innombrables, et c’est dans cette diversité et cette solidarité que réside notre force.
Notre résistance, c’est être vivant·e·s.
Notre résistance, c’est garder vivant·e·s toutes celles et ceux que nous avons perdu·e·s, dans cette lutte et sous l’oppression d’un système qui méprise la vie.
Leur répression et leurs meurtres sèment la peur. Notre résistance et notre combat portent la vie.
Nous restons debout, nous restons vivant·e·s, nous ne nous laisserons pas écraser.
Ni par les fascistes, ni par Merz, ni par les anti-Deutsche (sionistes).
Alors soyons solidaires aujourd’hui comme tous les autres jours. Luttons ensemble pour la vie et pour la liberté, ici et partout dans le monde !
11) Sur FEM
Nous sommes ici et non sur la Place de l’Ancienne Synagogue.
Nous n’avons pas vraiment décidé par nous-mêmes d’être ici ; d’autres personnes ont occupé l’espace sur la Place de l’Ancienne Synagogue, et il était évident qu’une confrontation aurait été épuisante et aurait aggravé la situation pour tout le monde.
C’est pourquoi nous sommes ici maintenant. C’est frustrant, mais nous faisons avec. Nous espérons tou·te·s, en particulier les personnes impliquées dans l’organisation de notre côté et du côté du pdas, que nous pourrons échanger et nous comprendre, afin de construire des alliances féministes fortes, larges, attentives aux discriminations et critiques des rapports de pouvoir, notamment dans la lutte contre le fascisme.
Pour cela, il est essentiel de s’appuyer sur nos points communs, comme notre objectif partagé d’un féminisme émancipateur et universaliste. C’est également ce que le collectif féministe présent au pdas a affiché sur ses banderoles, et nous partageons cet objectif.
Qu’est-ce que cela signifie pour nous ?
Un féminisme émancipateur signifie que nous devons conquérir et arracher nos droits par nous-mêmes, et non attendre de les obtenir par la négociation ou comme une faveur accordée. Un féminisme émancipateur implique également la nécessité d’être solidaires avec les personnes et les groupes opprimés, et d’utiliser nos privilèges et avantages dans cette société pour les soutenir.
Un féminisme universaliste signifie inclure tout le monde, toutes les personnes concernées par les violences patriarcales et la domination des hommes cis, endo, hétéros, blancs, riches, dits “valides”. Être universaliste signifie tenter de voir, comprendre et déconstruire toutes les formes d’oppression. Cela signifie reconnaître que nous faisons tou·te·s partie du système d’oppressions – sexisme, queerphobie, haine des personnes intersexes, racisme, validisme, classisme, antisémitisme, et autres formes de normalisation, d’exclusion et de marginalisation. Nous devons travailler, individuellement et collectivement, à les combattre.
Un féminisme émancipateur et universaliste signifie comprendre que diviser les individus entre “uniquement oppresseurs” et “uniquement opprimé·e·s” n’a pas de sens. Nous sommes tou·te·s concerné·e·s par ces violences et nous les reproduisons aussi, même si nous n’y sommes pas exposé·e·s de la même manière. Certaines personnes subissent des oppressions multiples et bien plus profondes que d’autres. Ce qui nous unit, c’est le droit de lutter contre ces oppressions, et la responsabilité collective de nous soutenir mutuellement dans cette lutte.
Nous sommes tou·te·s responsables.
Mais nous voulons rappeler plus particulièrement certaines personnes à leurs responsabilités spécifiques, notamment celle des personnes blanches et non-juives (goyim). Elles bénéficient à la fois du racisme anti-musulman et de l’antisémitisme.
Il est difficile pour tout le monde d’accepter que l’on fasse partie d’un système violent et oppressif. Cela peut être déstabilisant et nous rendre vulnérables. Mais adopter une posture d’observation et d’attentisme face à cette prise de conscience est une attitude profondément antisolidaire.
Déléguer aux personnes concernées la charge de mener un débat constructif est inacceptable. Classer des positions comme “extrémistes” sans les examiner attentivement, ne pas remettre en question ces classements, et considérer comme “modéré·e·s” uniquement celles et ceux qui acceptent de jouer ce jeu de respectabilité… tout cela contribue au problème, au lieu d’apporter des solutions.
Nous avons la responsabilité d’ouvrir et de maintenir des espaces où les personnes peuvent exprimer des perspectives radicales. Nous avons la responsabilité d’y faire face avec un esprit critique et solidaire, et de permettre la mise en dialogue et la reconnaissance de différentes voix.
12) Person sur la transformation
Ce texte m’a profondément interpellé et j’aimerais partager cette réflexion. Je trouve particulièrement intéressant que ce qui a été décrit pour les personnes en travail de naissance – la grossesse, l’accouchement et la période qui suit – corresponde presque à l’expérience que vivent les personnes trans* dans leur transition. De la même manière que la contrainte, surtout imposée par le système médical, et cette appropriation du pouvoir pour décider de ce qui est bien ou mal, de la manière dont le processus doit se dérouler et de ce que les gens doivent ressentir, rendent l’expérience difficile, épuisante, parfois horrible et lourdement traumatisante, alors qu’elle pourrait être émancipatrice et enrichissante.
Et cela se retrouve dans d’autres domaines également. Par exemple, déménager dans un autre pays, ou vivre avec un handicap ou être confronté à des situations de handicap. Ce sont là aussi des expériences potentiellement transformatrices et émancipatrices, qui sont pourtant systématiquement rendues difficiles, voire impossibles.
Il ne s’agit pas de généraliser, et il y a de grandes différences selon que l’on dispose de beaucoup d’argent, de peu ou de rien du tout, mais pour chaque personne, on peut clairement observer ceci : précisément là où se produisent des changements profonds, là où les individus peuvent se découvrir, se déterminer par eux-mêmes et s’émanciper, là où ils apprennent et apprennent ensemble ce que signifie être humain, c’est là que la répression est la plus intense, que l’on divise de manière extrême entre ce qui est considéré comme juste et faux, normal ou étrange, accepté ou exclu. Ce n’est pas un hasard, cela a une méthode et un système, et ce système s’appelle le patriarcat, la domination des hommes blancs, riches, valides et cis-endo-hétéro. La vulnérabilité des personnes est délibérément ciblée et des violences leur sont infligées afin d’empêcher, à tout prix, la survie de la diversité, car cette diversité remet en question le système. Elle représente le point de rupture potentiel du système. C’est précisément pour cela qu’il est si révolutionnaire et important de permettre la survie de la diversité, car c’est là que se trouvent les points d’attaque pour combattre durablement l’oppression. En effet, le “bon vivre” pour les personnes queer détruit la suprématie de l’hétéronormativité cis-endo et de la monogamie. Les personnes trans*, inter, non-binaires, agender rendent obsolète le système binaire, tandis que des personnes migrantes, dotées d’identités complexes et affirmées, combattent le racisme et le culturalisme, et une approche émancipatrice face au handicap démolit la construction absurde et la domination des “corps dits sains”.
Ce savoir sur le “bon vivre” pour tou·te·s ne se trouve pas là où se concentrent le pouvoir, les privilèges, les ressources et la domination, et il n’est pas question d’acquérir ce savoir en se contentant de fantasmer sur des privilèges et une domination pour tou·te·s, cela ne fonctionne pas. La diversité sans lien ne fonctionne pas, et une union dans la différence n’est pas enrichissante, n’est pas durable et peut être très dangereuse. Le savoir sur le “bon vivre” pour tou·te·s consiste, par exemple, à comprendre qu’il existe de très nombreuses manières de voir la richesse de la diversité et que le lien dans la différence demande beaucoup de travail, mais que c’est un travail beau et qu’il révèle nos possibilités – pour reprendre une formule mathématique, ce n’est pas simplement une addition ou une multiplication, c’est une exponentiation.
Ce savoir sur le “bon vivre” pour tou·te·s naît de ces luttes pour la survie et de ces processus transformatifs, comme par exemple la grossesse et l’accouchement autodéterminés, la transition autodéterminée, la migration autodéterminée et la manière de vivre le fait d’être confronté au handicap ou d’en être victime. Cela ne signifie pas que, pour mener le combat solidaire commun, il n’est pas nécessaire d’utiliser consciemment et délibérément des positions puissantes et visibles, mais il faut également le savoir et les orientations de celles et ceux qui sont souvent invisibles et opprimé·e·s.
Une approche concrète de la solidarité serait de partager le deuil commun et de rendre visible la mémoire de celles et ceux qui n’ont pas survécu et qui restent invisibilisé·e·s. Ce sont, pour ne citer qu’une liste non exhaustive, les travailleuses et travailleurs du sexe trans*-femmes de couleur, présents partout dans le monde, ainsi que les personnes placées dans des institutions de détention pour personnes handicapées, pour “idiots” ou pour personnes considérées comme “malsaines d’esprit” jusqu’aux années 70 en Allemagne, la Shoah et les Pojamos, l’extermination systématique de personnes juives, de Sinti* et de Romnja*, les personnes queer et les antifascistes sous le Troisième Reich, et bien sûr, de façon classique, un nombre gigantesque et vague – cela ne représente que pour les Amériques issues de la colonisation 175 millions de personnes entre 1492 et 1600, alors qu’en 1600 la population mondiale était estimée à 500 millions de personnes.
Et, si cela ne vous était pas déjà clair, les personnes en travail de naissance (souvent réduites à l’appellation incomplète de “femmes”) et les personnes trans* sont, comme toutes les personnes opprimées, évidemment allié·e·s, et leurs luttes sont intimement liées.
J’aimerais également aborder deux domaines où le patriarcat rend systématiquement les expériences transformatrices difficiles, voire impossibles. D’une part, la sexualité, qui concerne tout le monde, mais qui affecte de manière absurde en particulier les personnes asexuelles, demisexuelles, greysexuelles, qui ne peuvent guère se soustraire à la sexualisation de tout. Cela concerne tou·te·s et représente pour chacun une chance de transformation, notamment pour les femmes cis-hétéro et les hommes cis-hétéro, dont la sexualité dominante est marquée par l’objectivation et une pression de performance basée sur la passivité et la domination, ce qui tend à détruire le lien dans la différence. Et d’autre part, le système carcéral, où les hommes cis subissent également directement l’impact du patriarcat ; certes, pas tous, mais surtout ceux affecté·e·s par la pauvreté, le classisme, le racisme, la traumatization et les soi-disant troubles du développement et de l’attachement. Ils sont extrêmement soumis à la détermination externe et rendus particulièrement vulnérables à la violence, y compris la violence sexuelle systématique. Le système pénal et carcéral n’a souvent rien à voir avec la culpabilité ou la responsabilité, mais concerne avant tout la discipline de la pauvreté, comme dans le cas du voyage sans ticket ou du vol à l’étalage. C’est également, et surtout, un système qui vise à rendre impossible l’expérience transformatrice de prendre la responsabilité de la violence exercée, que ce soit individuellement ou collectivement.